La filière des plastiques agricoles amorce un tournant

Des solutions pour éviter la mise en décharge des films de paillage

La filière de collecte et de traitement des films plastiques agricoles connaît depuis un an de fortes turbulences. L’interdiction d’exporter certains déchets plastiques vers la Chine a touché indirectement la plasticulture. Même si non exportés, les films de paillage usagés ne peuvent plus être recyclés ni en France, ni en Europe. Contrainte à une réorganisation radicale, la filière conserve néanmoins sa ligne de conduite sur le recyclage. Avec à la clef, des projets de valorisation sur de nouveaux gisements.

L’annonce de la fermeture du site de recyclage de Suez à Viviez (ex-Sopave) dans quelques semaines, a sans doute été un point de non retour pour la filière de traitement des films agricoles usagés qui associe Adivalor, l’APE* et le CPA (Comité des Plastiques en Agriculture). Il y a plus d’un an, l’interdiction d’exporter vers la Chine plusieurs catégories de déchets dont des plastiques a fait l’effet d’une bombe dans le monde du recyclage. Si les industriels du recyclage et les opérateurs étaient conscients du problème, grâce à plusieurs signaux envoyés par Pékin, tout n’a pas été anticipé. Dans le secteur de la plasticulture, le recyclage des films de paillage a été touché de plein fouet. Les mesures chinoises ont de fait entraîné une réduction de capacité de traitement de ce gisement, car les usines de recyclage ont rapidement privilégié le traitement de plastiques moins souillés qui ne partaient plus en Chine. Les effets ont été immédiats et violents, rappelle Bernard Le Moine, délégué général du CPA. Sur l’année 2017, ce sont près de 3000 tonnes de films qui ont fini ainsi en enfouissement, faute d’être recyclés, tandis que cette année, la filière prévoit la mise en stockage de 10 000 tonnes de films de paillage. « Malgré ces aléas, nous sommes tenus de remplir notre mission vis-à-vis des exploitants agricoles avec la collecte et la gestion de leurs films usagés », indique Bernard Le Moine.

Hausse des éco-contributions

 

Cette filière d’engagement volontaire sur la valorisation des plastiques en agriculture vit une situation très paradoxale. Ce secteur d’activité a réalisé d’importantes avancées depuis sa création en 2009, en termes de collecte et de traitement des films plastiques, mais aussi en sensibilisant et en convaincant sur le terrain les metteurs en marché et les agriculteurs. Pourtant aujourd’hui, la filière est obligée d’éliminer des déchets qu’elle recyclait auparavant et cela au moment où l’État français et l’Europe souhaitent renforcer le recyclage des plastiques dans tous les domaines.

Démonstration de dépose avec machines

Cette régression drastique sur les exutoires va conduire l’APE à prendre plusieurs décisions successives dans le temps. Tout d’abord, sur le plan financier, le déséquilibre lié à ce transfert de gisement vers l’enfouissement, a entraîné une augmentation de l’éco-contribution. Au 1er mai, cette hausse a été de 30 euros la tonne, avant de connaître une seconde augmentation de 20 euros au 1erjanvier 2019. Cela doit permettre de financer les coûts de mise en décharge de ces milliers de tonnes de films plastiques. « Ce qui est important dans cette évolution non souhaitée, c’est l’adhésion de tous, fabricants, fédérations, coopératives, négociants, engagés dans le maintien et la survie de la filière », ajoute Bernard Le Moine.

Vers du paillage biodégradable

 

A l’échelle de l’Europe, les volumes concernés sont significatifs. Aujourd’hui environ 6 millions de tonnes de films de plastiques agricoles génèrent 11 millions de tonnes de déchets. A l’horizon 2030, la filière agricole utilisera 15 millions de tonnes de films plastiques, ce qui produira 17 millions de tonnes de déchets. A ce rythme, des solutions de traitement s’imposent à court terme. Pour l’APE, deux pistes se profilent à court et moyen terme. D’une part, la réduction du taux de souillure est indispensable. Grâce au projet RAFU qui favorise par le biais du machinisme agricole, une dépose propre, les films de paillage seront moins souillés. Ce qui laisse augurer sans doute de nouvelles solutions de valorisation, autres que l’enfouissement pur et simple. Pionnière dans ce domaine, la filière française mettra en service l’année prochaine, trois ou quatre machines de dépose propre pour la culture des carottes dans les Landes. Cette culture représente une production de 2 000 tonnes de films de paillage. Les cultures de melons dans le Sud-Ouest et d’échalotes en Bretagne sont également concernées avec respectivement, l’emploi de 2000 et 5000 tonnes de paillage. Des démonstrations et des expérimentations de machines de dépose ont d’ores et déjà donné satisfaction sur ces deux produits et sur la salade. A terme, la dépose propre devrait s’étendre à plusieurs cultures, pour réduire au maximum le taux de souillure, mais l’APE souhaite rapidement basculer vers une autre stratégie. Celle de l’emploi du film biodégradable.

Paillage biodégradable en démonstration lors du Congrès CIPA

« Toutes les conditions sont réunies aujourd’hui pour développer ce type de films sur le paillage, affirme Bernard Le Moine. Tout d’ abord, sur le plan économique, le film biodégradable a désormais tout son sens pour rivaliser avec le stockage. Ensuite, des signaux de l’État montrent une volonté d’accompagner les entreprises dans cette direction ». Les derniers Etats généraux de l’alimentation semblent l’avoir prouver en braquant les projecteurs sur les campagnes et une agriculture de qualité. Dans ce cadre, une aide pour inciter à l’emploi de films biodégradables serait envisagée.

Le dispositif français séduit l’Europe

 

Cette thématique ne préoccupe pas seulement l’agriculture française, mais également l’ensemble de la communauté internationale. Preuve en est, pour la première fois depuis sa création, le 21econgrès CIPA (Comité international des plastiques en agriculture) qui s’est tenu fin mai à Arcachon en France, a consacré un chapitre sur la gestion en fin de vie des plastiques agricoles. La présence de 35 pays et 250 délégués a favorisé les échanges et les retours d’expérience. Si en France, la situation est devenue délicate, dans d’autres pays, les issues sont faibles, en l’absence de filière volontaire sur le recyclage et en raison de l’emploi massif de films de paillage. Pour le CPA, le congrès a été l’occasion de lancer un appel à la communauté incitant à une consommation raisonnée de films plastiques, associée à des solutions de traitement en fin de vie. D’ores et déjà, l’Allemagne s’est engagée dans un processus proche du système français, tandis que l’Espagne a annoncé une politique d’actions qui la conduira sur le même chemin, d’ici à 2019.

Tout en se préoccupant de la valorisation des films usagés, la plasticulture poursuit ses actions en faveur d’une agriculture écologiquement intensive. Fin avril, la FNSEA, Légumes de France, l’association interprofessionnelle melon (AIM), la FNA, Coop de France et l’APCA (Assemblée permanente des Chambres d’Agriculture), ont signé une déclaration d’intention pour une gestion responsable et durable des gaines souples d’irrigation (GSI), avec le CPA, l’APE (Agriculture Plastiques Environnement)* et Adivalor. Lors du congrès CIPA, cette nouvelle filière a été rendue officielle par le président du CPA, Paul Cammal.

Les gaines souples dans la boucle

 

Dans le cadre d’une démarche volontaire, les plasticulteurs français, importateurs, distributeurs et utilisateurs réunis mettront en place, dès 2019, une filière APE de récupération spécifique pour les gaines souples d’irrigation usagées. A compter du 1er septembre 2018, l’achat de gaines souples d’irrigation sera soumis à une éco-contribution de 75 euros/tonne pour aider à financer leur traitement en fin de vie. Sur un gisement cible de 1200 t/an, un taux de collecte a été fixé à 50 % à l’horizon 2022, dont 75 % devront être recyclés. Comme pour les films usagés depuis 2009, les ficelles et les filets balles rondes depuis 2013, et les filets de protections paragrêle depuis 2015, la nouvelle filière fonctionnera selon le principe de la responsabilité partagée.

*APE : Commission du Comité des Plastiques en Agriculture qui assure le financement et la gestion des déchets plastiques issus des activités agricoles.

En plus :

En 2017, 76 400 tonnes d’emballages et plastiques usagés ont été collectées, en progression de 2000 tonnes par rapport à 2016. Le taux de collecte moyen atteint 66%. En 2017, les emballages et plastiques collectés ont été recyclées à 83 % ce qui représente 63000 tonnes. 95% des opérations de recyclage sont réalisées en Europe, dont 75% en France. Adivalor prévoit une progression de la collecte de 2 ou 3 points et un rétablissement de la situation du recyclage en 2020, compte tenu des problèmes liés au traitement des films de paillage.

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Crédit : CPA

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