Ecotopia, au pays de la transition écologique

Construire un nouveau modèle économique basé sur la préservation des ressources, le respect de l’environnement et de l’être humain implique-t-il de faire table rase du passé ? Avons-nous besoin d’une certaine radicalité pour entamer notre transition écologique ?

En Ecotopia, les habitants ont choisi leur indépendance, en fermant leurs frontières et en se tournant vers une société écologique radicale. Fini le capitalisme, la surconsommation, l’extraction des ressources naturelles à outrance. Place à la sobriété et à une consommation basée sur le respect de la nature. L’être humain se retrouve au coeur d’un modèle pensé en relation avec son environnement. Le recyclage de tous les déchets est obligatoire, les plastiques biodégradables sont fabriqués à partir de végétaux, les transports en commun sont électriques et gratuits, les énergies solaire, géothermique et marémotrice ont supprimé la dépendance vis-à-vis de l’énergie fossile. C’est ce que découvre le journaliste américain William Weston, parti pour un reportage de plusieurs semaines sur la côte Ouest des Etats-Unis. Trois Etats, la Californie, l’Oregon et l’État de Washington décident de faire sécession avec le reste du continent américain et de vivre en totale autonomie. Pilier central du fonctionnement de ce nouveau pays auto-déclaré, l’écologie transmet à ses habitants de nouvelles valeurs. Vingt ans après cette sécession, notre reporter est envoyé en Ecotopia qui accepte de l’accueillir en vue d’une reprise des relations diplomatiques. Sceptique et inquiet de ce qu’il va découvrir, il se retrouve projeté dans un monde bien loin de ses plus folles pensées. Les articles qu’il écrit pour le Times-Post, sont censés mieux faire connaître ce pays aux Américains, en relatant le quotidien des Ecotopiens à travers le sport, le travail, les transports, l’éducation, l’alimentation, l’énergie, la santé.

Tous les déchets sont recyclés ou compostés

 

En Ecotopia, les hommes et les femmes vivent en parfaite harmonie avec eux-mêmes et ceux qui les entourent. La pollution a été éradiquée grâce à l’utilisation des véhicules électriques et surtout du vélo, disponible gratuitement à tous les coins de rue. Les villes ont été rasées en partie pour laisser la végétation conquérir l’espace urbain. Les maisons et les immeubles en béton ont été remplacés par des habitations en bois et lumineuses. Dans le train qui conduit le journaliste américain vers la nouvelle San Francisco, les wagons accueillent comme il le souligne, des « poubelles arborant une grosse lettre majuscule – M, V et P. Il s’agit de poubelles de recyclage. Cela étonnera sans doute mes lecteurs américains, mais j’observe que durant tout le trajet, mes compagnons de voyage trient leurs déchets et placent le métal, le plastique, le verre et le papier dans le conteneur approprié. Ils se conforment à cette règle sans donner le moindre signe de gêne ce qui en pareil cas, submergerait n’importe quel Américain ».

Au cours de ses emplettes, notre reporter constate que les vêtements n’incluent aucun tissu synthétique, uniquement des textiles en coton ou en laine recyclée, fabriqués localement. Sur le traitement des déchets, William Weston s’entretient avec le vice-ministre de l’Alimentation. Celui-ci lui parle de déchets alimentaires, recyclables et de compost. Il évoque alors les investissements importants pour construire des usines d’incinération non polluantes afin de valoriser les boues des égouts. Celles-ci sont séchées pour produire des engrais naturels, favorisant ainsi progressivement la suppression totale des engrais chimiques. Circuits courts, agriculture urbaine et raisonnée, bannissement des herbicides et des insecticides sont les fondements de l’alimentation écotopienne. La récupération de tous les métaux a permis de remplacer les fonderies en usines de recyclage et de démanteler et valoriser les cimetières de voitures dispersées dans la nature.

Lors de son périple en Ecotopia, le journaliste n’est pas au bout de ses surprises. Il écrit dans l’un de ses articles : « le Parti de la survie décida de faire voter une série de lois interdisant purement et simplement de nombreux procédés industriels polluants. Les entreprises touchées par ces nouvelles lois furent rachetées ou aidées à franchir le cap de cette transition énergétique vers la pollution zéro par un système de partage des risques financiers ». Et de poursuivre sur les infrastructures : « le béton des autoroutes qui n’étaient plus nécessaires au mode de vie local, fut cassé et réutilisé pour édifier des berges. On bâtit des pistes cyclables, des lignes de minibus et des stations de train ».

Des croyances qui s’effondrent

 

Au fur et mesure de ces découvertes, le journaliste est en proie au doute : « plus j’examine de près le tissu de la vie écotopienne, plus je dois reconnaître sa solidité, sa beauté. Je me retrouve complètement perdu. Je n’ai plus aucun point de vue assuré depuis lequel je pourrais écrire ; tout ce que je peux faire, c’est décrire les choses les unes après les autres, telles que je les vois ». Ce nouveau monde, encore plus neuf et audacieux que le monde d’où il vient, désempare. Il croyait pouvoir analyser et défier Ecotopia à la lumière de ses convictions. En vain. Pourtant, cet échec se révèlera salutaire.

Créateur d’un modèle plus respectueux de notre planète, Ecotopia aurait sans doute des chances de voir le jour maintenant ou bien dans quelques années, quand l’urgence climatique ne nous donnera plus le choix. Mais Ecotopia est une fiction, ou plutôt un récit utopique qui rentre en résonance avec nos propres préoccupations. Ce récit de voyage par un journaliste submergé par le doute a été imaginé par Ernest Callenbach, critique de cinéma et journaliste américain. Il est de l’ordre du roman prophétique puisque, détail implacable, Ecotopia a été publié en 1975, il y a plus de quarante ans. La transition écologique n’était pas à l’ordre du jour, et pourtant. Lors de sa sortie, le roman est devenu best-seller et vendu à plus d’un million d’exemplaires. Il faut croire que les germes d’un nécessaire changement existaient déjà. A lire sans modération !

Ecotopia d’Ernest Callenbach (1975), publié en français en 2018 aux éditions Rue de l’échiquier fiction

 

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