Comment capter toutes les palettes bois en fin de vie ?

L’étude Valopal va identifier les flux et les pistes de recyclage

Eco-conçue, réparée, recyclée, réutilisée, la palette bois a toutes les qualités pour s’inscrire dans l’économie circulaire. Il y a deux ans, le syndicat des palettes bois (Sypal) a publié sa feuille de route pour promouvoir et améliorer cet emballage sur le plan environnemental. Pourtant, selon la profession, la collecte des palettes bois usagées serait loin d’atteindre le gisement disponible. L’insuffisance de données à ce sujet a conduit au lancement d’une étude nationale, Valopal. Objectif : identifier, quantifier les flux et diversifier les voies de recyclage.

La Fédération nationale du Bois (FNB) en association avec le Sypal, n’a pas attendu la publication de la feuille de route sur l’économie circulaire pour proposer des pistes d’amélioration pour la palette bois. Issue d’une ressource renouvelable, le bois, la palette peut réaliser jusqu’à 28 rotations pendant huit ans, après réparation et reconditionnement. En fin de vie, elle est recyclée dans les panneaux de particules ou devient combustible pour les réseaux de chaleur. Mais la profession veut aller plus loin dans sa démarche vertueuse. Dans sa feuille de route pour l’économie circulaire, les acteurs de la filière ont défini cinq axes d’actions prioritaires : pérenniser les approvisionnements grâce à des actions de reboisement, sécuriser la traçabilité grâce à un outil de contrôle du traitement NIMP15, améliorer la qualité des palettes en créant par exemple un vade-mecum d’achats éco-responsables, favoriser l’innovation à travers des travaux de R&D sur la chimie verte et diversifier les voies de recyclage, complémentaires aux modes de valorisation actuels.

Deux cent millions de palettes non collectées

 

Avant de mettre en œuvre ces programmes d’actions, un gros chantier attend la profession. Depuis des années, les données sur cette activité sont restées relativement floues. Alors que 50 millions de palettes neuves sont mises sur le marché en France en moyenne chaque année, 100 millions ont été récupérées en 2015, selon une enquête I+C, dont 90 % remises sur le marché de l’occasion. Pourtant la filière et l’Ademe en particulier, supposent que le gisement de palettes à collecter, hors palettes de location, serait deux fois plus important. La filière de fabrication et reconditionnement de palettes s’est retrouvée pendant longtemps relativement morcelée, composée essentiellement de TPE ou petites entreprises. Depuis des décennies, l’activité s’est restructurée en quête de professionnalisation. Paradoxalement, la palette en fin de vie a de multiples usages secondaires, hors emballages et hors cadre filière. Ce qui rend ce marché très difficile à cerner. « Ce qui est incroyable depuis le temps que la palette bois s’échange, se récupère, se répare et retourne dans le circuit, c’est qu’il n’existe aucune donnée précise à l’échelle régionale sur les gisements à collecter, déplore Patrice Chanrion directeur du Sypal et responsable de la Commission Palettes de la FNB. Si nous parvenons à terme à identifier ces flux hors circuit, car sans doute non réutilisables, il faut se poser la question de leur valorisation ». De même, aucune enquête ciblée n’a été menée jusque-là auprès de la distribution et des services des collectivités, sur leurs pratiques de gestion et de traitement des palettes usagées, explique Gérard Deroubaix, directeur du Pôle Environnement Economie Bio-ressources au FCBA.

Déchets de bois d’emballages

Pour combler cette lacune, la FNB et le FCBA ont décidé de mener l’enquête, à travers l’étude nationale Valopal (Valorisation des palettes en fin de vie). Lancée officiellement en février 2018, elle sera réalisée par I+C et soutenue par France Bois Forêt et l’Ademe, en qualité de co-financeur, à hauteur de 70 000 euros, sur un coût total de 180 000 euros. Valopal porte sur 18 mois de travaux, le temps de quantifier les flux, de connaître l’emplacement des gisements et d’identifier les moyens de récupération à moindre coût. « Dans un contexte où d’une part la demande en bois énergie est en augmentation et d’autre part, les débouchés dans le panneau de particules ne sont pas extensibles, nous devons travailler sur l’amélioration de la collecte et de nouvelles pistes de valorisation matière à l’horizon de cinq à dix ans » explique Gérard Deroubaix.

Respecter le nouveau paquet législatif Déchets

 

Pour Sylvain Pasquier, coordinateur du secteur déchets d’emballages à l’Ademe, l’enjeu est double : « la palette bois est considérée comme un emballage, par conséquent elle est soumise au nouveau paquet législatif Déchets qui porte entre autres sur les emballages et déchets d’emballages. Dans ce cadre, des objectifs de recyclage ont été fixés par matériau. D’ici fin 2025, le recyclage devra ainsi atteindre 25 % en poids pour le bois ». Autre objectif, celui de mieux gérer les emballages en bois en France, en vue de leur réutilisation dès lors que les besoins en palettes sont croissants. « La reprise de l’activité économique est palpable et l’activité de la palette est en plein essor, explique Patrice Chanrion. Les fabricants français ne savent plus où donner de la tête ». La palette neuve ne pourra bientôt plus satisfaire la demande exponentielle, alors que la palette d’occasion reste de 20 à 30 % moins cher. Le gisement de palettes non récupérées est envisagé comme une manne, à la fois pour le marché de l’occasion, mais aussi comme nouvelle ressource dans d’autres applications.

Bois de recyclage en déchèterie professionnelle

Il faut d’ores et déjà penser à d’autres débouchés qui pourraient servir directement le marché de la palette. Par exemple, la fabrication de dés en bois moulé, à partir de broyat de palettes en fin de vie, est déjà bien installée en Belgique ou en Irlande, mais absente en France. Pourtant, les dés représentent 25 % du bois de palette. Les gisements complémentaires de palettes collectées pourraient ainsi être utilisés dans ce sens et permettraient de produire des palettes un peu moins chères que si on avait utilisé 100 % de bois neuf. Avec l’augmentation des flux de déchets de bois d’ameublement repris à coût zéro par l’industrie du panneau, le bois d’emballage en tant que composant de matière première se retrouve sur la sellette. Enfin, il est temps selon les fabricants, d’harmoniser les standards de palettes et se limiter aux formats les plus classiques. Cela permettra de simplifier la production et d’optimiser la réutilisation. Cette démarche implique une sensibilisation des entreprises clientes qui avaient jusque-là l’habitude de recourir à des « moutons à cinq pattes ».

« L’Ile-de-France est pressentie comme champ expérimental »

L’étude des palettes en fin de vie se traduira dans un premier temps par une expérimentation à l’échelle d’un territoire. L’Ile-de-France est d’ores et déjà pressentie comme terrain exploratoire. L’intensité de son activité industrielle et commerciale place cette région au coeur des échanges de palettes en bois. « Il s’agit maintenant de localiser une zone péri-urbaine, à l’échelle d’un département ou d’une communauté de communes », explique Patrice Chanrion. Le choix devrait être arrêté avant l’été. Une fois le territoire passé au peigne fin, les résultats relevés seront compilés et serviront à établir une méthodologie qui pourra être dupliquée à d’autres régions. Un comité de pilotage élargi regroupant l’ensemble des acteurs de la palette, du fabricant au recycleur, devrait se réunir avant juillet. Les résultats de l’étude quant à eux, sont attendus d’ici à l’automne 2019 au plus tard.

 

Crédit : CM

Partagez cet article