Le Syctom et le SIAAP partenaires du projet Cométha

Valoriser les boues et la fraction organique résiduelle

Innover en faveur d’une meilleure valorisation des déchets et des effluents en Ile-de-France. Décloisonner les mondes de l’eau et des déchets en proposant une solution commune pour méthaniser des boues d’épuration et des déchets organiques issus de la poubelle grise. C’est l’ambition du SIAAP (Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne) et du Syctom (Syndicat parisien de traitement des déchets ménagers), partenaires innovation du projet Cométha. Entré dans sa première phase, le projet aboutira, si tout va bien, à la construction d’une unité industrielle d’ici à 2026. 

Les grands projets se nourrissent souvent sur un terrain propice à leur développement et à leur pérennité. La production de gaz renouvelable a été fortement encouragée par la LTECV et pourrait atteindre 100 % de la consommation francilienne en 2050, selon le Plan énergie climat de la région Ile-de-France. A cet enjeu énergétique, s’ajoutent des défis majeurs pour traiter les déchets dans une région urbaine aussi dense que l’Ile-de-France. Dans ce contexte, le Syctom et le SIAAP ont choisi de réunir leur expertise et leurs moyens financiers pour lancer un projet de traitement commun des boues issues de la dépollution des eaux usées et de la fraction organique résiduelle (FOr) provenant des ordures ménagères. Celle-ci constitue 30 % du contenu de la poubelle grise et ne devrait pas diminuer malgré la mise en œuvre de la collecte séparée des biodéchets en Ile-de-France. Comme son nom l’indique, Cométha définit clairement sa trajectoire en ciblant la méthanisation comme moyen de valorisation. Pour Martial Lorenzo, directeur général des services du Syctom, ce partenariat est novateur à plus d’un titre : « il associe plusieurs acteurs qui jusque-là ne travaillaient pas ensemble. Le monde de l’eau a par ailleurs toujours eu plus de notoriété vis-à-vis des pouvoirs publics que le monde du déchet. En associant nos compétences, nous souhaitons résoudre des problèmes que nous rencontrons de part et d’autre, à savoir la gestion des boues et des déchets organiques résiduels ».

Le contexte réglementaire est également porteur : il encourage la production d’énergie renouvelable et dissuade certaines formes d’exutoires comme l’enfouissement ou l’épandage de matières sur sols agricoles. C’est le cas par exemple des boues et de la fraction organique des poubelles grises. Jacques Olivier, directeur du SIAAP, reconnaît que ce cloisonnement entre secteurs de l’eau et des déchets n’a plus lieu d’être : « beaucoup de matières se retrouvent dans les réseaux d’assainissement, provenant des flux de déchets générés par les habitants, que nous sommes forcément amenés à gérer. Des synergies sont désormais possibles grâce à notre espace foncier important, à la mutualisation de nos installations et au transport fluvial ».

Cométha, un projet à 90 millions d’euros

 

L’idée de ce partenariat d’innovation repose principalement sur une meilleure gestion des déchets ultimes, en les réduisant au maximum pour les convertir en biométhane. Le projet compte explorer et expérimenter des procédés existants ou novateurs en vue de co-méthaniser dans une unité industrielle des boues des eaux usées (volumes à étudier), des FOr à hauteur de 76 000 tonnes par an, mais aussi des graisses d’épuration, de l’ordre de 500 tonnes et quelque 20 000 tonnes de fumier équin. Cométha entend ainsi démontrer que ce mélange d’intrants peut déboucher sur un bilan énergétique et environnemental supérieur à celui atteint dans des filières séparées. Le projet est ambitieux selon Pierre Hirtzberger, directeur technique du Syctom, dans la mesure où il contribue au développement de travaux de R&D au service de l’intérêt général. Au final, il vise à construire de toutes pièces, des combinaisons de procédés innovantes, qui associent plusieurs acteurs universitaires, institutionnels et industriels. Le cahier des charges a été lancé début 2017 et a accueilli rapidement une dizaine de candidatures.

L’un des sites prétendus pour accueillir l’un des pilotes industriels

Les attentes du Syctom et du SIAAP sont fortes en matière de R&D. Les solutions proposées doivent être innovantes, pertinentes, viables et applicables à moyen terme. De véritables défis pour les acteurs des quatre regroupements retenus dans le projet. Chaque groupement associe des entreprises (grandes et petites), des laboratoires, des universités et des start-ups. Le premier est composé du CMI, Sources, UniLaSalle et UTC ; le second rassemble Suez, Arkolia Energies et ETIA ; le troisième concerne Tilia, Gicon France Biogas, DBFZ et Fraunhofer IGB ; le quatrième réunit Vinci Environnement, Naldeo, CEA Liten et Insa Deep. Cométha est entré depuis le début de l’année, dans la première de ses trois phases. Pendant 18 mois, les groupements vont se pencher sur leurs travaux et essais en laboratoire avant de proposer un avant-projet sommaire de pilote industriel.

A partir de 2020 jusqu’à fin 2022, le projet sera consacré à la construction et l’exploitation d’un ou plusieurs pilotes industriels. Ils devraient être installés sur des terrains du SIAAP à Seine Amont ou Seine Aval. A l’issue de cette phase, un seul groupement sera sélectionné, si les résultats s’avèrent concluants. Pas question pour autant de détruire les pilotes non retenus, souligne Jacques Olivier du SIAAP : « L’objectif est de les faire exister dans le temps pour tester d’autres intrants ou d’autres procédés ». Le coût total prévisionnel du projet s’élève à environ 90 millions d’euros, dont neuf millions alloués à la première phase. L’enveloppe partagée entre le Siaap et le Syctom inclut l’unité industrielle définitive. Celle-ci sera construite et mise en service d’ici à 2026.

Conversion thermochimique et gazéification en eau supercritique

En attendant, industriels et laboratoires retroussent leurs manches pour mettre au point la solution technologique qui obtiendra le plus de suffrages. Chacun de leur côté apporte une pièce au futur édifice, et même si le procédé n’est pas sélectionné, il permettra de conquérir de nouveaux marchés et avancer dans la recherche pour la préservation de l’environnement et des ressources, assure chaque partenaire. Ce que l’on peut d’ores et déjà retenir des premiers tests, c’est qu’il existe plusieurs chemins pour parvenir à la même finalité.

Schéma du pilote proposé par le groupement de Suez

Dans le cadre du groupement Suez, Arkolia Energies et ETIA (bureau d’ingénierie et équipementier français spécialisé), le fumier équin pourrait faire l’objet d’un traitement spécifique par conversion thermochimique. Par ailleurs, le CO2 issu de la purification du biogaz pourrait être utilisé pour produire des micro-algues, réduisant ainsi la présence de sous-produits, en les convertissant en nouvelles sources organiques pour la co-méthanisation. De même, une valorisation spécifique est envisagée pour le phosphore et l’azote.

Le groupement piloté par Tilia intègre deux partenaires allemands experts en méthanisation, DBFZ et l’organisme de recherche européen Fraunhofer. Outre-Rhin, plus de 8000 installations de méthanisation fonctionnent contre moins de 800 en France ; cette filière se développe en Allemagne depuis des décennies et bénéficie d’une compétence industrielle et scientifique inégalée.

Pilote proposé par le CMI

Ce groupement teste trois types de digesteurs, à piston, par percolation et à charge élevée. Par ailleurs, il propose une technologie de carbonisation hydrothermale pour produire du biocharbon, une matière stable et valorisable. Autre exemple, celui du groupement porté par Vinci Environnement. Il fait appel notamment aux ultrasons pour le prétraitement des intrants liquides et à la gazéification en eau supercritique des digestats. Ce procédé permet selon le CEA, une valorisation énergétique optimale des charges organiques, tandis que l’eau récupérée dans le digestat va servir de solvant et de réactif puissant.

Critère d’adaptabilité

 

Les premiers travaux en laboratoire ont été présentés récemment au SIAAP et au Syctom. Tous les acteurs sont motivés pour gagner la course. Ce travail collaboratif permis par un rapprochement de deux entités publiques franciliennes a eu le mérite de booster la R&D et sécuriser le cadre pour les industriels. Ces derniers reçoivent les moyens nécessaires pour mener leurs recherches et sont protégés en termes de propriété intellectuelle. Cette initiative deviendra un tremplin qui permettra de se pencher davantage sur la R&D concernant la gestion des déchets, se réjouit Martial Lorenzo : « difficile encore de trancher face à des débuts prometteurs. Néanmoins, avec le Siaap nous porterons notre choix suivant des critères technologiques, environnementaux, mais également économiques ». Pas question de faire vivre une installation qui coûte plus cher en consommation d’énergie qu’elle n’en produit. Logique imparable à laquelle il faudra également associer un autre paramètre plus aléatoire, mais bien présent : celui de la variabilité des intrants (saisonnalité, composition et quantité). L’adaptabilité sera peut-être le critère déterminant pour sélectionner la prochaine installation francilienne de co-méthanisation.

Crédit : CM, SIAAP

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