Egger mise sur un outil industriel durable

Recyclage et cogénération au programme de l'usine vosgienne

Le groupe familial autrichien Egger a construit son activité et sa renommée internationale sur le panneau de bois de cuisine et une stratégie respectueuse des ressources et de l’humain. Dans son usine de Rambervillers dans les Vosges, Egger a investi près de 34 millions d’euros l’an dernier. Objectif : améliorer la qualité du bois de recyclage entrant dans ses produits et construire une nouvelle chaufferie biomasse à turbine vapeur, inaugurée l’été prochain.

Avec un objectif de 20 usines en 2020, pour un chiffre d’affaires prévisionnel de 3 milliards d’euros, Egger est sur la bonne voie. Le fabricant de panneaux de particules possède en Europe 18 usines dont deux en France à Rion-des-Landes depuis 1994 et à Rambervillers dans les Vosges depuis 2000. Un projet en Amérique du Nord est par ailleurs dans les tuyaux. Depuis cinq ans, les investissements du groupe ne cessent de croître chaque année. Pour 2016-2017, l’enveloppe s’est élevée à 259 millions d’euros. Les deux usines françaises ont d’ailleurs bénéficié depuis l’an dernier d’un budget total de 120 millions d’euros, afin d’améliorer la performance de l’outil de production et de s’adapter aux besoins des clients. Elles sont certifiées toutes les deux ISO 50001 (gestion de l’énergie) et 14001 (meilleure prise en compte de l’environnement).

Nouvelle chaufferie biomasse en juin

 

L’usine de Rambervillers connaît depuis deux ans, une modernisation sans précédent, contribuant à une plus grande performance industrielle. Ainsi en 2016, le site de 73 hectares a accueilli une nouvelle ligne de fabrication automatisée qui produit en grandes séries, des pièces finies pour l’industrie du meuble et des cuisinistes. L’an dernier, un nouveau transstockeur a été installé pour stocker les palettes de films imprégnés de résine mélaminée. La politique du groupe est d’investir les recettes dans la maintenance des équipements, dans la productivité et la qualité des produits. Et à la clef, la création de 30 emplois supplémentaires en trois ans.

Dans cette logique, l’amélioration sociétale et environnementale est une constante. « Ce qui n’est pas utilisé dans la fabrication même du panneau est valorisé en biomasse dans les chaufferies de nos usines pour produire de la chaleur et de la vapeur, explique Guido Reid, directeur de l’usine vosgienne. Chez nous, les déchets de process iront bientôt dans une nouvelle chaufferie biomasse de 50 MW associée à une turbine vapeur ». Ce projet de cogénération a bénéficié d’un investissement total de plus de 34 millions d’euros. Opérationnelle en juin prochain, cette nouvelle chaufferie permettra d’alimenter le site en chaleur et de générer de l’électricité à hauteur de 9 MW. Elle remplace un équipement de 25 ans d’âge, devenu moins performant et plus aux normes. Parallèlement à cette valorisation énergétique, l’usine produit des granulés à partir de sciures dans une unité spécifique, à raison de 10 000 t/an pour des industriels de la région.

200 000 tonnes de bois recyclé

 

En amont du process industriel, dès le traitement de la matière brute, Rambervillers a intégré deux nouveaux équipements : une ligne de tamisage pour un tri renforcé des copeaux de bois recyclés et un séchoir à chauffage direct pour augmenter la capacité de séchage du bois frais et valoriser en énergie les poussières de bois générées par le procédé. Comme à Rion-des-Landes, le séchoir vosgien vient d’être équipé d’électro-filtres humides pour capter les rejets atmosphériques et des bassins de traitement des eaux pluviales ont été installés en 2016.

A Rambervillers, les achats de bois représentent un total de 800 000 t/an, dont 200 000 tonnes de bois recyclé. Le tout à moins de 150 km pour 71 % des approvisionnements. Le site produit environ 600 000 m³ par an contre 100 000 m³ à l’origine. Le directeur du site en est convaincu : « sans bois recyclé, l’activité du panneau ne pourrait pas se développer comme aujourd’hui ». Dans certains pays comme en Italie, des fabricants n’hésitent pas à utiliser 100 % de bois de recyclage dans leur panneau. « C’est un choix tout à fait possible, souligne Guido Reid, mais chez Egger, on préfère ne pas dépasser les 30 % de matière recyclée pour des raisons de qualité ». Le groupe sur l’ensemble de ses usines absorbe deux millions de tonnes de bois de recyclage chaque année. Ce bois recyclé se trouve en couche intérieure pour éviter tout risque de défaut sur le film papier ou plastique imprimé qui vient se coller sur le panneau de particules.

L’unité de préparation du bois de recyclage est une usine dans l’usine. Elle a été créée en 2006 à Rambervillers pour un investissement de 10 millions d’euros, juste après celle de Rion. « A l’époque, les fabricants de panneaux commençaient seulement à incorporer quelques pourcentages de bois recyclé » affirme Frédéric Colin, responsable des achats sur le site vosgien. Mais pour la famille Egger, hors de question de dépendre des marchés. Cette conviction a conduit le groupe à intégrer ses propres sociétés d’exploitation forestières en Allemagne par exemple. Pour optimiser son approvisionnement en bois recyclé en France, Egger a créé en 2014 avec Serdex, filiale de Serfim, la société Eco 3 Bois près de Lyon, 3e marché public du bois de recyclage, selon le groupe. Cette entité collecte les bois usagés d’entreprises et répond directement aux appels d’offres des collectivités sans passer par des opérateurs du déchet. Elle génère 50 000 t/an de matière qu’elle fournit ensuite à Egger. Même scénario dans la région de Toulouse avec la société Timberpak31.

Mieux trier le bois issue de la filière DEA

 

Cette ressource est salutaire pour le fabricant car il est payé pour la reprendre, sauf exception pour les flux de qualité comme les palettes ou les bois d’huisserie, où Egger verse quelques euros la tonne. Le flux issu de la filière éco-mobilier représente 70 000 t/an. « Cependant ajoute Frédéric Colin, cette arrivée en masse de déchets d’ameublement n’a pas été suffisamment anticipée et a déséquilibré les marchés du bois et surtout a dégradé la qualité globale ». Pour réutiliser ce bois, il faut des procédés techniques complémentaires pour trier et broyer plusieurs fois en vue d’obtenir une matière exploitable. Dans le bois de recyclage traditionnel de type bois B ou emballages palettes, on recensait 25 % de déchets ; aujourd’hui ce taux passe à 30 % avec le flux d’éco-mobilier. D’où la nécessité d’investir dans la maîtrise du tri. Sur le site de Rambervillers, l’unité de recyclage procède à plusieurs broyages, d’abord avec un marteau pour enlever les plus gros indésirables, puis un broyage grossier pour extraire la ferraille et un broyage fin pour extraire les cailloux et les résidus de plastiques. Le traitement s’achève avec un tamisage des copeaux de bois pour écarter le maximum de fractions fines d’indésirables.

Egger entend poursuivre cette démarche environnementale au service de la qualité et de la productivité de ses usines. L’éco-conception des produits visant l’emploi des colles et du formol est sujet à réflexion. « Nous souhaiterions diminuer l’usage des colles pour des raisons économiques. Remplacer le formol est un peu plus difficile, car cela signifie accéder à des substances moins nocives mais au bout du compte moins efficaces pour notre productivité » assure Guido Reid. Depuis deux ans, les investissements multiples sur son site l’assurent pour l’avenir d’une réduction de son empreinte environnementale tout en garantissant de meilleures performances de production. Pour l’industriel, c’est aussi garantir plus d’emplois locaux. Le site emploie 400 personnes pour un chiffre d’affaires de 165 millions d’euros et compte développer l’apprentissage des jeunes. Pour le département des Vosges en quête d’une image plus industrielle et environnementale, c’est un acteur assurément incontournable. Le projet d’implantation d’un constructeur allemand de cuisines, leader sur son marché, à quelques km du site, conforte Egger dans sa stratégie de développement à Rambervillers.

Crédit : CM

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