Pechpropre veut valoriser les plastiques issus de la pêche

Des solutions d'ici à la fin de l'année

Valoriser au sein d’une filière encadrée, les filets pêches, de chaluts, les cordages, les flotteurs, les casiers et les tenues (bottes, cirés, gants), c’est l’objectif du projet Pechpropre lancé en automne 2016 par la Coopération maritime. D’ici à la fin de l’année, les premières solutions de collecte et de traitement pourraient voir le jour sur l’ensemble du littoral français.

Le projet, d’un montant de 300 000 euros a reçu plusieurs soutiens financiers et techniques du ministère de l’Ecologie, de l’Ademe et de quelques entreprises spécialisées dans le recyclage dont Paprec. Une première phase d’enquête a été lancée auprès d’une soixantaine ports de pêche sur les trois façades maritimes de la métropole. « La compilation des résultats prévus pour fin 2017 sera repoussée début 2018 en raison de la difficulté à récupérer des données fiables sur la nature des déchets, leurs quantités et les dispositifs de collecte et de gestion existants » souligne Mathilde Guéguen, chef de projet au sein de la coopérative. Néanmoins, on sait déjà que la grande majorité des pêcheurs interrogés ramènent leurs filets et équipements à quai, ainsi que les déchets trouvés dans leurs filets. Sur la nature même des produits, les filets constitués d’une seule famille de polymères sont les plus utilisés et remplacés. Leur consommation varie selon les espèces pêchées et les saisons. Triés séparément, ils seraient facilement recyclables, contrairement aux chaluts composés d’au moins trois polymères (PE, PP, PA) sans compter des autres pièces métalliques.

Les moyens matériels et humains consacrés à la collecte (bennes tout-venant, big bags, infrastructures spécifiques) varient également selon les ports. Dans le secteur de la conchyliculture, la gestion des déchets plastiques est plutôt individuelle et spécifique à chaque entreprise. Ces gisements peuvent être repris par des prestataires locaux pour être revendus à l’export mais la majorité des déchets de la pêche et de la conchyliculture sont destinés à l’enfouissement et sont récupérés par des prestataires privés (Veolia Propreté ou Suez Environnement par exemple). « Au final, mieux c’est trié et séparé des DIB, moins cela coûte. Ce prix est intégré à la redevance des pêcheurs mais pas dans sa totalité, explique Mathilde Guéguen. On constate en effet que le coût de gestion des déchets dans les ports reste supérieur à la redevance des pêcheurs. Dans ce cas, la partie restante incombe aux ports eux-mêmes ou aux CCI amenées à gérer ces infrastructures ».

Eviter une nouvelle REP contraignante 

 

Cette étude vise à dresser un état des lieux fiable en termes de fonctionnement, d’optimisation de la collecte et de tri de ces produits plastiques, souligne Mathilde Guéguen. Une phase de tests vient d’être lancée pour six mois dans cinq ports (Barfleur, La Rochelle, La Cotinière, Saint-Raphaël et Sète).Objectif : évaluer les circuits de gestion à mettre en place. Cette opération est coordonnée par le CPA (Comité des plastiques en agriculture). Celui-ci met au service de cette filière son expérience tant au niveau des circuits logistiques que des relations avec les recycleurs et les fabricants de produits. « C’est dans un troisième temps, après identification des filières de valorisation et des entreprises de recyclage que nous souhaitons sensibiliser les metteurs en marché en vue de la création d’une filière responsable et autonome. Il faut anticiper la création d’une REP contraignante pour toute la profession, ce qui serait contre-productif à tous les niveaux » insiste Mathilde Guéguen.

Autre étape importante du projet, un benchmark sera réalisé dans trois autres pays européens du Nord au Sud : « Cela permettra de comparer les pratiques et voir ce qu’on pourrait dupliquer. Cela s’inscrit également dans une dimension plus large, puisque la commission européenne a initié des travaux sur la gestion des déchets industriels de la pêche. Notre projet pourrait apporter des informations utiles dans ce cadre ». Pechpropre n’en est qu’au début de ses travaux et de ses résultats. Ce projet doit rassembler toute la filière de la pêche et sensibiliser les professionnels travaillant en milieu marin, comme le secteur de la conchyliculture par exemple. Le projet Seaplast oeuvre dans ce sens à l’échelle d’une région, la Normandie.

Normandie, région pilote

 

Après neuf mois d’enquête et de R & D, le projet Seaplast lancé en Normandie a dévoilé ses premiers résultats l’été 2017. Son objectif : étudier le potentiel de valorisation des déchets plastiques et sous-produits des filières pêche, conchyliculture et algue en plasturgie. Seaplast est porté par le syndicat de la pêche normande, le SMEL (synergie mer et littoral), en partenariat avec NaturePlast et Ivamer, l’Ademe et le Conseil Régional de Normandie (Fonds Défi’Nergie). Le projet a défini le cahier des charges et les besoins de la plasturgie et des transformateurs face à l’emploi de plastiques recyclés issus de la pêche.

L’enquête a été menée sur 16 ports de pêche normands et auprès de pêcheurs et conchyliculteurs, mareyeurs, autres structures, pour dresser un inventaire des déchets plastiques et des sous-produits. Principal enseignement : les filets maillants et trémails ainsi que les alèzes de chalut constituent les gisements les plus importants. On évalue à plus de 100 tonnes la quantité de déchets de filets et de chaluts produite par an. « Il existe déjà dans certains ports comme Saint-Vaast-la-Hougue, ou Barfleur, une filière de collecte de filets usagés destinés au recyclage, pouvant servir de levier au déploiement de cette initiative dans d’autres ports de pêche » souligne Laurence Hégron, chef de projet du pôle pêche au SMEL.

La conchyliculture est également un gisement de matières plastiques facilement mobilisables dont les deux principaux déchets sont les poches à huîtres et les filets mytilicoles, évalués à plus de 550 tonnes par an. Une filière de collecte de poches usagées s’organise depuis plusieurs années dans les principaux bassins conchylicoles de Normandie. La société Intermas recycle le polyéthylène pour mettre sur le marché des poches recyclées. D’autres entreprises de régénération locales comme Soretex ou Funx s’intéressent également à ces gisements.

Intégrer plus de recyclé pour boucler la boucle

 

Dans le cadre du volet R&D du projet, les déchets plastiques issus de la pêche et de la conchyliculture ont été recyclés mécaniquement. Mais les éprouvettes testées ont montré une baisse de 20 % de leurs propriétés mécaniques. « Avec ces retours d’expérience, nous constatons qu’il existe des bons et des mauvais gisements de déchets. Certains produits plastiques sont recyclables, d’autres non, déclare Laurence Hégron. Pour les filets de moules, l’emploi de plastiques biodégradables serait même préférable. Certains produits pourraient également intégrer plus de matière recyclée comme les poches à huîtres ». Afin de poursuivre ce travail d’observation et de concertation avec les acteurs régionaux et les metteurs en marché, le SMEL espère prolonger le projet Seaplast.

Crédit : SMEL

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